Fallait bien que ça pète !

Alors que commence votre opposition mentale, encore imperceptible de l'extérieur, Random reste interrogateur. La réplique qu'il préparait est devancée par celle de Fiona, que vous percevez de loin, occupés que vous êtes.

"Je n'ai strictement rien ressenti. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?"

Devant l'éclat de l'aggresseur je me recule légèrement sur mon siège et regarde Luarent avec de grands yeux étonnés et m'exclame :

Calmez-vous cousin !

Puis je reprends sur un ton très calme en me retenant tant bien que mal de glisser un coup d'oeil vers Fiona.

Ce genre d'accusation ne se porte pas à la légère.

Et purquoi quelqu'un irait-il fouiller votre esprit en ce jour ?

Je regarde mon cousin fixement.

Non, ce n'est pas toi... Excuse moi de t'avoir soupçonné.

Je me tourne vers Random.

Mon oncle, je vous prie de m'excuser pour tout ce raffût.

Je me tourne vers mon voisin : Seigneur, je vous demande de bien vouloir pardonner mon geste brusque, dû à l'effet de surprise.

Puis vers Fiona.
Je confirme ce que j'ai dit : j'ai ressenti une intrusion dans mon esprit. Quelqu'un a essayé de fouiller dans ma mémoire récente. Comment pouvez-vous ne pas l'avoir senti?

Tout le monde observe la scène - et s'observe - avec tension et attention. Les Chaosiens ne lâchent mot, et seul Nocos de Jesby, dont la tenue noire est souillée sur une manche, reste debout, énervé mais en même temps surpris de la tournure des événements.

Une fois de plus, Random est devancé dans son intervention par Fiona, qui fixe Laurent tranquillement, mais réplique par un ton peu amène.

"Vous surestimez peut-être mes pouvoirs, mon neveu. Ou alors surestimez vos perceptions. Je n'ai ressenti aucune action mentale dirigée contre quiconque.

Le roi, enfin, trouve une place pour parler. Il essaie de rester calme, mais retrouve un peu de la nervosité qui fut la sienne les jours précédents.

- Neveu, je ne permettrai pas d'esclandre en présence de nos invités, surtout si c'est pour lancer quelque accusation de ce genre, encore plus si elles sont sans preuve.

Après un instant de silence quasi complet, Edoros de Jesby, l'air songeur, finit par prendre à son tour la parole.

- Si ce que votre neveu avance est vrai, d'une manière ou d'une autre, c'est là chose inquiétante. Car je doute que nous ayons tous les moyens de repérer ou résister à de telles procédés...
- Si cela était, reprend immédiatement Random, vous n'auriez pas à vous en soucier très longtemps..."

Sur quelques remarques aimables, le "vieux" chaosien reprend le cours de son petit-déjeuner, bientôt suivi par quelques autres. Random jette un regard furieux à Laurent, puis Fiona.

Je me rassied.

Alors que les conversations reprennent je m'adresse discrètement à Laurent.

Dites-moi cousin, maintenant que tout le monde sait qu'on veut fouiller dans votre esprit, pourriez-vous me dire s'il y a vraiment quelque chose de si important que quelqu'un veuille se l'approprier, même en cette occasion ? Car en plein milieu d'une visite diplomatique de dignitaires chaotiques, ce n'est pas une chose anodine.

Autour de vous, le malaise est resté persistent.
Nocos de Jesby, finalement, s'est rassis. Son énervement est encore visible, même s'il ne lâche pas mot.

Son oncle tente d'égayer l'atmosphère en racontant certaines anecdotes - dont vous ne saisissez pas le quart du sens, occupés que vous êtes à murmurer - sur les Maisons des Cours qui ne sont pas représentées dans la délégation (apparemment, toutes celles ayant refusé de participer à la cérémonie du couronnement de Merlin, comme par hasard).

De manière plus désagréable, vous devinez quelques personnes en train d'essayer de surprendre votre aparté. Si Llewella et Florimel le font en toute subtilité - même si cela ne prend guère pour un prince d'Ambre, même jeune - Jurt de Sawall est moins habile : on s'attendrait presque à ce qu'il se mêle à la conversation, même si pour le moment il ne dit rien.

Random, tout en balayant la salle du coin de l'oeil de temps à autre, a engagé la conversation avec Sidon de Thorgel et Helda d'Hendrake.

Dans l'ensemble, cependant, les discussions se font hachées, autant par les nécessités de manger ou boire entre deux phrases que par les difficultés à se concentrer, semble-t-il.

A peu près quinze minutes après que tout le monde soit revenu à une relative sérénité, le petit-déjeuner se termine.

Random se lève tout en vous faisant signe de garder vos places. Seul Sidon de Thorgel se place à côté de lui. Le Roi, qui essaie en vain d'avoir l'air détendu, dit d'une voix assourdie :

" Il est temps désormais pour mes amis Sidon de Thorgel, Eos de Dellaram, Jurt de Sawall et moi-même, ainsi que mon frère Benedict qui nous rejoindra bientôt, de nous retirer pour entamer les discussions devant amener le traîté tant attendu par nos deux Cours.
Ces discussions nous occuperont sûrement pendant toute la journée, aussi avons-nous, avec ma soeur Florimel prévu diverses distractions pour nos invités, ainsi qu'à tous les membres de la famille désireux de se joindre à eux pour resserrer nos liens amicaux."

La réaction de la tablée montre un enthousiasme plus que mesuré. Parmi les chaosiens, il n'y a pas de véritable marque d'hostilité, mais seul Edoros se fait démonstratif par ses applaudissements.
Random n'y prête guère attention et poursuit.

"Vous êtes donc cordialement invités à vous joindre à Dame Florimel pour la visite du château, ou au seigneur Rein qui attend à la cour d'honneur, pour mieux connaître la cité.

Sur ce, je vous souhaite à tous une bonne journée."


Random se retire rapidement, suivi des trois délégués chaosiens, silencieux.
Tout le monde commence à se disperser. Llewella et Fiona se rejoignent immédiatement et engagent un aparté, tandis que Florimel reste un moment à attendre l'arrivée des serviteurs, et à gromeler pour elle.

Je me tourne vers Immryran, souriant.

Bon, ben je crois que je vais pouvoir y aller, heureux d'avoir fait ta connaissance cher cousin, et je te demande encore pardon pour ce malentendu.

Eh bien bon vent cousin. Tes excuses sont acceptées, ne crains pas de mésentente entre nous. D'ailleurs si tu reviens au château fais-moi signe, je serais ravis de t'aider à éviter ces embrouillamis "politiques".

Je salue cordialement Laurent et vais rejoindre les autres pour la visite du château.