Episode 1 : Règlements de compte

Tu as débarqué depuis plusieurs heures maintenant. Cela fait bien longtemps que tu n'étais revenue dans tes îles natales, et celle où tu poses le pied ne ressemble plus en rien à ce que tu t'en souviens.

Certes, on te l'avait dit déjà, mais la surprise est grande : des tentes, des drapeaux, des soldats en exercice, partout des armes.
Les Îles Farouches connaissent la guerre civile, pour la première fois depuis bien longtemps.
Un peu de culpabilité monte en toi : peut-être n'aurais tu pas dû parler de politique comparée à ta soeur ; peut-être n'auriez vous pas dû échanger vos points de vue sur la manière de diriger de votre mère ; sûrement n'étais tu pas obligée de lui proposer ton aide pour qu'elle s'empare du trône.

En même temps, n'était-ce pas qu'une question de temps ?
Quoi qu'il en soit, tu es arrivée à ta destination. Ta soeur Litta a visiblement rempli sa part du travail, obtenu le soutien des grands notables des villes portuaires et levé une solide armée.
La promesse d'une grande charte, de la concession de droits civils et politiques pour tous, a rassemblé bien des espoirs derrière la bannière de Litta.

Retranchée dans la capitale, ta mère et tes deux autres soeurs attendent le choc final.

Tout cela promet des jours difficiles...

Ma sœur a toujours été assez, hum, volontaire(non je n'ai pas dit vindicative!), c'est aussi celle de toute ma lignée qui supportait aussi peu que moi le joug impérieux de notre génitrice... cependant je suis effarée par l'atmosphère électrique qui enveloppe la cité de celle-ci et je suis plus qu'impressionnée par l'armada qui s'étale sur la baie...
Ma sœur est effectivement sur le pied de guerre, harnachée d'une armure de cuir constellée de talismans, dague au flanc et bâton de shamane empoigné fermement. Je suis aussi assez perturbée par le nombre de mâles qui l'entourent... et de leur zèle apparent... et je ne peux m'empêcher de leur jeter des oeillades soupçonneuses, ayant jeté un coup d'oeil au projet de charte de ma soeur il y est spécifié l'égalité des sexes à tous les niveaux mais mes récentes lectures et le lointain passé des Îles ne me laissent pas de m'inquiéter sourdement comme une dent gâtée...
Je fais part de cette inquiétude à Litta mais outre qu'elle ne m'écoute pas vraiment elle reste persuadée comme beaucoup de femmes du sommet que rien ne peut venir ternir leur aura et leur main-mise sur le pouvoir... elles sont depuis si longtemps habituée à se sentir supérieures que l'idée même qu'un homme puisse les dominer ne peut leur venir à l'esprit.


Je commence à me sentir assez mal, si celà se passe mal je serai la principale responsable car bien que je n'aurais pas tenu l'arme c'est moi qui l'aurais fourni... peut-être aurai-je dû avant de me lancer dans une entreprise aussi hazardeuse demander conseil à mon père ou à Vialle...

Je prétexte une faiblesse due au voyage à travers les ombres pour ne pas participer à l'expédition finale... je demande pourtant à Litta de faire preuve de modération et de miséricorde, d'être en sorte l'antithèse de ma mère et non pas de la singer... j'espère qu'il en sera ainsi mais j'ai capté le reflet dans ses yeux, celui qui m'effraie et me tétanise, celui du sang et du feu... celui qui se reflète dans les yeux de ma mère...

L'armée a fini par se mettre en route, par s'embarquer sur les navires. Aux nombreux bateaux marchands transformés pour l'occasion en puissants transports de troupes se sont joints nombre de vaisseaux de lignes de la flotte régulière, convaincus, séduits ou achetés par la cause de ta soeur.

Tu vois le temps s'écouler devant tes yeux, comme un sablier. Des images inondent ton esprit...
Quelques heures après le départ, les derniers navires quittent la baie...

... La flotte atteint l'estuaire de la capitale, où elle se heurte à la flotte royale, sérieusement affaiblie. Déchaînant les fureurs de son Art, ta soeur sur son navire amiral livre un combat titanesque face à ce qui semble être la première manifestation magique de ta mère.

... Encore plusieurs heures, et les derniers éléments de la flotte régulière prennent le large. Les troupes de Litta vont pouvoir débarquer et mettre le siège devant la cité...

... A l'issue de la journée, les machines d'assaut achèvent d'être montées. Visiblement, l'attaque est pour demain...

j'exhorte ma soeur à la mansuétude et envoie un message à ma mère la suppliant d'écouter la voie de la raison et de se rendre pour éviter à son peuple un bain de sang fratricide et à elle-même une défaite humiliante et peut-être fatale...



je sais bien qu'elle ne me répondra pas. je sais bien que Litta cherche tout autant le pouvoir qu'elle.


qu'ai-je fait?

me débarrassant de ma garde protocolaire qui maintenant je m'en rends compte est tout aussi présente pour me surveiller et m'entraver que pour me protéger, je m'esquive sur un frêle esquif, tissant d'un murmure un sort de brise nocturne je file vers les îles centrales, berceau de notre peuple, là où sont gardés les secrets, là où dorment les dragons...

Les trois lunes brillent, elles sont au zenith de la voûte céleste et la mer entre les formes ténébreuses des rochers et des falaises qui forment un labyrinthe fantasmagorique autour d'Eshann prend l'aspect d'une riche étoffe de moire argentée, vivante et sensuelle... personne ne me voit bien sûr, j'ai longuement tissé la journée durant un voile pour dissimuler mon embarcation aux regards inquisiteurs de la nuit...

enfin j'aborde le rivage de sable sombre de l'ile des Origines, là où l'histoire de mon monde débute et où elle doit fatalement s'achever... sous mes pieds je ressents la chaleur qui sourd de la terre, l'air possède la saveur metallique si proche du sang que l'on goûte lorsqu'il neige, mais ici il ne neige jamais, la chaleur de l'endroit confine à l'inacceptable , je peine aujourd'hui comme il y a six ans pour quelques dizaines de mètres ridicules, et ma magie aujourd'hui comme alors ne me sera d'aucun secours...

quelque soit les circonstances c'est toujours nues de ses oripeaux que nous nous rendons vers nos ancêtres qui nichent là-haut...

l'atmosphère est brulante, le soufre me pique atrocement les yeux et je n'imagine même pas l'état dans lequel mes poumons vont resortir de ce voyage... si ils en sortent, après tout les dragons sont comme les éléments, versatiles et prompts à la violence... l'eau qui dort... ou en l'occurrence le feu qui couve...

j'entends son souffle, on dirait tout sauf la respiration d'une créatur vivante, l'air ici est plus respirable et le soufre a fait place subtilement à une odeur pas plus agréable mais nettement différente, mélange de terre, de fauve, de putréfaction et de brulé... j'approche... le rythme du souffle s'est soudain modifié, je ne fait cependant pas d'illusion le grand ver ne vient pas de découvrir seulement ma présence, je n'étais pas débarquée qu'il savait déjà que je venais vers lui...

Il lève sa tête triangulaire plus grosse qu'une maison et me regarde sans mot dire, de ses yeux de jade pâle fendu d'obscurité...
ici je ne suis rien et il est tout, je fais les signes de déférences requise, il hoche la tête, c'est à moi de demander ce que je lui veux...

"Grand Père... ta fille sème le chaos dans toutes les îles pur garder le pouvoir et ton autre fille le sème tout autant en voulant l'accaparer, et moi, ta fille qui a honte de se présenter ainsi devant toi je sème le chaos par les paroles que j'ai inconsidérément et sottement propagé."

il lâche un jet de vapeur fétide mais ne dit mot.

"Grand Père seul les vrais maîtres des îles désormais peuvent mettre fin à cette catastrophe, je te supplie au nom des liens qui lient nos ancêtres et nos descendants de convaincre les tiens d'intervenir pour ramener la paix et la prospérité sur les îles."

ses pupilles sont deux fentes acérées qui me transpercent de part en part, j'en sens presque le contact et la douleur qui me vrille le ventre me semble en être le fruit. le silence se prolonge, j'ai formulé ma demande je n'ai désormais plus rien à dire et quelque soit la durée il faudra que j'attende la réponse... je me souviens de ces contes de bonne femme qui racontent comment on a retrouvé les corps momifiés de quémandeurs plusieurs dizaines d'années plus tard... parfois on les retrouvaient ainsi mais le dragon n'avait toujours pas donné sa réponse... enfin tout cel est de ma faute et c'est la seule chose que je puisse faire...

La caverne sembla s'éclairer. Bientôt un réseau lumineux, semblable à des veines et des artères dorées, se cisela sur les parois, enveloppant entièrement la silhouette massive du dragon - et la tienne par dessus le marché.

Et pourtant, la réponse se faisait attendre. Les minutes, peut-être même les heures, commençaient à s'écouler depuis que tu avais prononcé ta supplique.

Malgré la tension persistante qui réduit considérablement tes capacités de réflexion, tu ne peux que ressentir la puissance considérable du lieu. Plus petite, jamais tu ne t'étais posée la question, tant le fait était acquis.
Maintenant que tu connais Ambre, les Ombres, les fondements de l'Univers, tu constates que, malgré tout, ce lieu demeure incontestablement une source d'un pouvoir formidable, supérieur à tout ce que tu as pu croiser ailleurs en Ombre.
Que cette source de pouvoir ait amené la naissance des Dragons ancestraux, et d'un lieu magique tel que les Îles Farouches, ne surprendrait presque même plus !



Les rayons de lumière finissent par perdre de leur éclat, mais une lueur rémanente demeure et commence à se concentrer devant la face, toujours immobile, du grand Dragon.
Une forme indéfinissable, tel un nuage phosphorescent, se dresse désormais entre toi et la créature.
Enfin une réponse.
Une voix polyphonique, comme si plusieurs personnes s'adressaient à toi en même temps, avec des timbres différents, résonne doucement dans ta tête.

"Si tu viens en Fille des Îles Farouches, rien ne sera fait pour accéder à ta requête : ta lignée choisit le chemin de sa propre destruction, Nous n'avons pas à intervenir dans cette querelle. Un nouvel équilibre jaillira de cette haine.

"Mais si tu viens en Fille d'Ambre, alors il n'est pas en Notre pouvoir de refuser ta demande.
Je te mets cependant en garde : en faisant appel à Nous, tu invoques une force ancienne en une époque troublée. Ton monde, mais aussi l'univers entier, pourraient subir les conséquences d'un nouvel Eveil.

"Prends ta décision."


Le silence retombe. Seul le regard de braise d'un grand Dragon te rappelle la situation tendue dans laquelle tu te trouves.

Je ne m'attendais pas à ce genre de réponse, quoique en étant honnête je ne m'attendais réellement à quoique ce soit de précis, que sont-ils donc, ces dragons ancestraux au regard de pierre précieuse, sont-ils liés à Ambre, au chaos, je ne sais que si peu de chose sur cet univers et peut-être ceux qui m'ont enseigné ne savent-ils eux-mêmes pas tout ou pire ce qu'ils savent est peut-être erroné...?
Je suis venue par réflexe par qu'ils sont le pilier de ce monde, qu'ils sont mes parents lointains, la source de mon sang tout autant que celui d'Ambre, je veux être honnête, je suis venue en vassale issue des Îles et non pas en suzeraine ambrienne et ce qu'ils me demandent de choisir est au-delà de mes compétences, je ne peux décider du sort d'un monde ou pis encore d'un univers pour soulager ma conscience pas plus d'ailleurs que je ne souhaite impérativement que mon sang soit épargné, il est vrai que ma mère et mes sœurs ont jeté les germes de leur destruction et doivent en récolter le fruit si amer soit-il, je serai bien présomptueuse de vouloir forcer le destin, j'aimerais simplement éviter des morts inutiles parmi les iliens...
je poussai un long et silencieux soupir et les yeux brillants de larmes:

Grand-Père, comment oserai-je me présenter à toi sous les atours de ces arrogants seigneurs qui se disent suzerains del'Univers, certes peut-être le sont-ils, et peut-être le suis-je ou plutôt le deviendrai-je mais que ce soit il y a dix ans, aujourd'hui ou en quelque point brumeux de l'avenir jamais je ne serai autre chose qu'une fille des Îles en me présentant à toi, tu m'as rappelé aussi que l'équilibre finit toujours par se rétablir, et comment pourrais-je, moi shamane des Îles aller à l'encontre de l'équilibre... non je ne te demanderai pas en tant que Fille d'Ambre d'intervenir, je suis bien consciente que mon sang doit payer ses errements et j'en porterai stoïquement le poids, les remords et la douleur où que je porte mes pas...
voici ma décision... je te remercie de m'avoir encore une fois éclairé.


Je posai genou à terre pour saluer mon ancêtre à la manière des prêtres de mon peuple, j'avisai près de ma botte un petit caillou irrégulier, noir comme la nuit, luisant, lançant presque des étincelles de noirceur, comme une parcelle de ténèbres solidifiée, je la ramassai puis me relevant commença à repartir vers l'autre monde, celui des mortels, à reculons, car nul n'est capable de détacher brusquement ses yeux de la majesté des grands vers...

Lorsque tu rejoins enfin la surface, et approches des terres habitées de l'île, un spectacle étonnant - et terrifiant - se présente à toi : toutes les terres, jadis fertiles, de la contrée semblent avoir été labourées par une tornade embrasée.

De grandes colonnes de fumée noires s'élèvent là où se dressaient auparavant les bâtisses d'un hameau agricole.
Plus loin encore, au sommet d'une colline, une forme indistincte prend la place de ce qui devait être une motte seigneuriale.

Aucune vie à proximité, hors de quelques corbeaux et autres oiseaux de mauvais augure patrouillant dans le secteur.

A ton entrée dans la caverne, rien n'indiquait la proximité d'un tel carnage.

Sur près de deux kilomètres, tu ne trouves que demeures brûlées, champs saccagés, centaines de tombes récentes mais attirant déjà les charognards. Aucun humain vivant, même si tu repères des traces nombreuses, si nombreuses qu'elles creusent un véritable sentier de terre retournée se dirigeant vers le nord, où s'étend un grand massif boisé. D'autres traces, bien plus individualisées, s'éparpillent dans toutes les directions.

Tout laisse deviner le passage, sans contrôle, de quelconques soudards. Le temps s'est sûrement allongé pendant ton court séjour dans les cavernes, car les échos de violence que ton esprit perçoit datent de plusieurs jours, presque une semaine.

sans que je cherche à les retenir les larmes roulent sur mes joues... ceci est l'oeuvre de mon inconscience et de mon égocentrisme... cheminant vers les abers de l'est à travers les collines dévastées je récite inlassablement la prière des morts dans un souffle de voix à peine perceptible...

Tu marches pendant un temps indéterminé, perdue dans tes pensées et ta désolation, qui ne fait que refléter celle à laquelle tu assistes ici et là.

Plusieurs hameaux ont été attaqués, parfois entièrement incendiés, et la population semble s'être enfuie précipitemment, ce qui fait que tu n'as toujours pas rencontré le moindre humain vivant.
Tu croises de nombreuses tombes, mais celles-ci semblent plutôt être des sépultures de soldats, rapidement creusées. Il y a bien quelques civils, mais très peu.


Au creux des collines, tu finis par reconnaître les abords du temple de Myriddin, un des hauts lieux de pélerinage des îles où s'est établi il y a plusieurs siècles un ordre religieux pacifique qui s'est spécialisé dans les arts de la guérison.

Hélas, les craintes qui s'étaient mises à monter en toi en devinant de nouveaux vols d'oiseaux noirs se vérifient bien vite lorsque, au détour d'un sentier, tu finis par avoir une vue sur les hauteurs : le sanctuaire, lui aussi, a été attaqué et incendié il y a quelques jours. Tu devines de nombreux corps étendus le long des pentes.

je me précipite vers les formes gisantes espérant y détecter un souffle de vie, même infîme.

Les corps sont très nombreux, et tu ne doutes pas que tu en trouverais d'autres si tu t'aventurais dans les parties incendiées. Il y a de nombreux moines, beaucoup aussi de soldats portant les uniformes tant de l'armée de ta soeur que de celle de ta mère, mais surtout une majorité de civils, hommes et femmes, apparemment massacrés alors qu'ils tentaient de fuir. Les armes semblent avoir été emportées.

Tu ne repères aucune personne vivante parmi celles étendues, mais tu es bientôt dérangée dans ta macabre exploration des lieux par deux silhouettes humaines vagabondant comme toi et qui, sitôt qu'elles t'aperçoivent, se précipitent derrière un mur effondré pour disparaître.

heh! attendez! n'ayez pas peur, je ne vous veux aucun mal! si il y a des blessés parmi vous je suis guerrisseuse!

Il te faut réitérer plusieurs fois tes appels pour, qu'enfin, une tête finisse par émerger de derrière le pan écroulé. Après quelques secondes d'hésitation il finit par s'avancer vers toi, avec beaucoup d'hésitation.

C'est un homme assez jeune mais visiblement marqué, le visage noirci et les cheveux blonds très abimés. Il porte, reconnaissable malgré l'état de loques dans lequel il se trouve, l'uniforme de l'armée de ta soeur Litta ainsi qu'un sac en cuir en bandoulière.
Plusieurs bandages faits de morceaux de tissus, passés en hâte sur ses bras, laissent visibles les traces de blessures récentes.

L'homme te regarde un moment, cherche ses mots, se résoud finalement à un lapidaire : "Sont-ils assez loin maintenant ?"

Qui sont assez loin? je n'étais pas présente lors des combats! êtes vous blessé? avez vous faim? vous êtes seul?

Le jeune soldat semble totalement déboussolé, et ne parvient pas à sortir ses mots.
Bientôt, tu vois arriver, clopinant, un autre homme, un peu plus âgé. Lui aussi porte un uniforme fatigué, mais celui des troupes royales. Ses cheveux noirs broussailleux et sa barbe de plusieurs jours ne cachent pas un regard un peu plus stabilisé sur le monde que celui de son compagnon d'infortune, et si sa marche semble ralentie, il ne paraît pas blessé.

Vous ayant rejoint, il finit par lancer, d'un ton bourru :
"Je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous venez faire, mais ce n'est plus un sanctuaire, ni même un champ de bataille. Partez tant que vous le pouvez encore."

alors venez avec moi! je vous protègerai.


*je montre le pendentif qui est l'insigne de mon appartenance aux shamans-dragons*

je vais vous conduire en un lieu où vous serez à l'abri.

Les deux hommes montrent un étonnement assez spectaculaire, mais le plus âgé retrouve bien vite de sa contenance, tout en étant beaucoup plus aimable.

"Ma Dame, avec tout mon respect, je doute que nous soyons à l'abri quelque part. Ils n'ont pas hésité à attaquer le Temple, à massacrer les moines, à tuer tous ceux qui tombaient sous leurs mains. Jamais nous n'avons vu ça dans les îles.

Il se tourne vers un bâtiment en partie détruit.

"Nous avons pu nous réfugier, avec quelques soldats et civils, dans les sous-sols de la chapelle, mais personne n'osera sortir facilement après ce qui s'est passé ici..."

qui a attaqué le Temple?

voyons, même s'il existe encore du danger, vous pouvez rester indéfiniment terrés dans des sous-sols, avez-vous au moins des vivres et de l'eau?

quand à vous trouver un endroit sûr, par le Grand Ancien, j'en fait mon affaire...

Le plus jeune semble vouloir parler, mais après un nouvel échec c'est une fois de plus le brun qui reprend la parole, visiblement assez marqué.

"Nous étions en train de rassembler ce qui restait de nos forces après la défaite que nous avions subie face aux forces de l'usurpat...

Il s'arrête en voyant l'expression outragée prise par son accolyte, porteur des armes de cette fameuse personne ainsi désignée.

"Bref, nous étions en train de nous rassembler dans les hauteurs quand nous avons été attaqués au matin par les troupes ennemies, et avons été mis en déroute. Quelques survivants et moi-mêmes sommes allés nous réfugier auprès des moines du Temple, qui nous ont accueillis. Nos poursuivants sont arrivés peu de temps après et, voyant que les traditions avaient été respectées, étaient en train de se retirer lorsqu'est arrivée une grande troupe de guerriers étrangers. Ils ont pris par surprise nos adversaires, et ont commencé à massacrer tout le monde.

Le blond commence à trembler. Le soldat de la reine poursuit.

"Au départ, je croyais à une armée de secours qu'aurait levée la Reine dans quelque île voisine, mais très vite ces monstres ont commencé à prendre d'assaut le Temple et à massacrer tous ses occupant, y compris les civils venus y trouver refuge et les moines.
Nous avons tenté de combattre, même aux côtés des soldats de... de nos anciens ennemis... Nous avons juste pu sauver ce qui pouvait l'être... Je sais qu'ils ne sont pas loin..."

à quoi ressemblaient-ils? parlaient-ils notre langue? un détail qui permettrait de savoir d'où viennent ces soudards meurtriers?

*mon front se plisse de perplexité, une de mes autres soeurs jouerait-elle double-jeu et profiterait-elle du chaos pour tirer son épingle... non, aucune d'entre elles n'est capable d'une telle atrocité... même ma rouée de mère ne profanerait pas un temple... et pourquoi massacrer des survivants éparses, ça n'a pas de sens!*

Haussement d'épaules.

"Jamais je n'ai vu de tels hommes. Ils étaient armés le plus souvent de haches, et leurs casques à visières avaient des décorations terrifiantes.
Quelques uns étaient recouverts de cicatrices sur tout leurs corps. Ils hurlaient comme des animaux sauvages, et massacraient toute vie autour d'eux, même parmi les leurs m'a-t-on dit."


Prenant le plus jeune par l'épaule, l'homme t'invite à le suivre en direction du bâtiment saccagé.
Bien dissimulée, une grande trappe laisse apparaître un escalier obscur qui descend à quelques mètres de profondeur. C'est là que tu finis par trouver, dans les caves voûtées de la chapelle, une vingtaine de personnes. Parmi elles, un peu moins de la moitié sont des soldats des deux camps, presque tous grièvement blessés. Le reste est composé de quelques paysans, avec deux femmes et un enfant, ainsi qu'un moine qui reste prostré dans un coin.

Ton entrée attire une curiosité passagère, mais retombant vite face au sentiment de désespoir qui étreint de manière palpable tout le groupe réfugié dans ce sous-sol.

Personne ne se parle, sinon pour quelques mots rapidement échangés. Par bonheur, la pièce semble avoir servi aussi pour le stockage des denrées destinées aux libations, et des quantités raisonnables de viandes salées, d'eau et de vin permettent d'envisager tenir encore un moment sous terre. L'alcool est visiblement fort aprécié, à la fois pour oublier le malheur du moment mais aussi pour le soin des blessés.

La plupart des personnes présentes rechignent à parler de l'attaque du sanctuaire, qui a visiblement laissé un traumatisme terrible. Les soldats ont visiblement oublié qu'ils défendaient chacun un camp opposé lors d'une guerre civile, puisque tous s'entraident volontiers.

A plusieurs reprises, alors que tu es en train de faire le tour des sous-sols, tu crois percevoir, sans pouvoir en trouver la provenance un son très aigu, d'une intensité faible mais relativement perturbant même si son intensité est très variable. Au bout d'un moment, il te semble même couvrir en partie certains sons, et même les déformer.

Personne, autour de toi, ne semble réagir. C'est comme si c'était un défaut auditif, sauf que tu es pratiquement sûre que ce son parasite t'est extérieur.