Episode 2 : Le Jour d'Après...

- Un grand honneur, mais je me permets quant à moi de garder mon identité jusqu'à notre prochaine rencontre, s'il en est une.
J'ignore où vous vous réfugiez pour disparaître comme vous l'avez fait précédemment, mais vous gagneriez beaucoup à vous y claquemurer pour plusieurs années, peut-être même siècles. On dira que c'est le conseil utile pour achever sur une bonne note cette courte entrevue, même si je suppose que vous n'en tiendrez guère compte...


Il regarde à nouveau dans ton dos. Pour la première fois, tu distingues une vague appréhension.

"Par contre, pour votre bien, et peut-être même plus, je vous invite cordialement à suivre mon autre conseil, et de vous éclipser bien vite..."

S'il a pu croiser le regard de l'homme, il aura chercher à connaître son nom en grattant à la porte de son esprit, puis sans mot dire, il se décale alors en Elysion, se dirigeant d'abords vers une Ombre désertique, afin de vérifier qu'il n'est pas suivit.
Après plusieurs détours, il rejoindra Ys.

L'esprit du bonhomme est fermé. Plus exactement, il te renvoie des pensées sans queue ni tête, des décomptes de moutons, bref des trucs à te rendre fou si tu insistes. Soit il est doué, soit - et c'est plus probable - il est suffisamment entraîné et avisé pour ne pas se laisser avoir à ça.

Autre problème : tu n'es pas en ville. Ce qui veut dire que l'Elysion est très faible, et que tu ne parviendras vraisemblablement pas à glisser...

Il se décale lentement pour se retourner, de telle manière à ne pas avoir non plus l'inconnu directement dans son dos, et regarde ce que l'inconnu semble "redouté".

Réfléchissant à ce qu'il allait bien pouvoir trouver pour ce sortir de cette situation qui devient de plus en plus épineuse.

Il n'y a pas grand chose d'autre qu'un horizon bouché par un grand massif forestier, des sapins semble-t-il. Le ciel est parcouru de frémissements étranges, comme s'il ne parvenait pas à se fixer sur un décor définitif.


L'inconnu, en te voyant hésiter, se redresse soudain.

"Je vois. Le trajet aller était prévu, mais pas le retour. C'est le genre d'erreur qu'on ne fait qu'une fois, d'habitude.

D'un rapide geste de la main, il fait naître une sorte de cercle lumineux, où une partie de son corps commence à s'enfoncer.

"Je vais cependant vous laisser la possibilité de la refaire un jour.
Si vous permettez... dit-il en te tendant la main."

Un peu agacé par le sentiment d'être si évident à déchiffrer, il accepte et prend sa main.

Le mouvement est très rapide. Un éclair... puis l'impression de basculer dans un banc de brume...
Des mouvements très rapides, à gauche, à droite, que ton guide dirige avec une semblance de facilité.

Puis un nouvel éclair. Le décor est totalement flou, comme s'il était complètement enveloppé d'eau. Un sifflement, toujours le même, résonne autour de toi.
Tu reconnais vaguement la rue où vous vous étiez croisés la première fois.


"Je vous ramène en terre connue... J'ose espérer que vous pourrez retrouver votre chemin, maintenant...

Son sourire s'élargit.

"Evidemment, je pourrais aussi vous raccompagner chez vous, si vous le désirez et me montrez la route. Mais j'ai comme l'impression que nous ne nous connaissons pas encore assez..."

Reprenant contenance.

"Il n'en tenait qu'à vous, mais vous choisissez la voie du mystère, ce qui complique effectivement nos rapports. Néanmoins il semblerait que vous veniez de me tirer d'un mauvais pas.
A défaut d'aller "chez moi" nous pourrions peut être discuter plus tranquillement maintenant, notamment de ces évènements, de cette armée, de ses buts et de ce "spectral" ; outre vos propres motivations dans cet imbroglio, et ne serait ce que votre nom."

Il sourit largement à son tour.

- Ce serait avec joie, mais certaines personnes de ma connaissance, maintenant qu'elles ont flairé que j'avais à faire à quelque chose d'anormal, n'auraient aucun mal à remonter ma piste si je reste sur place trop longtemps...

Séparons-nous là, donc, et quittez vite le secteur par vos propres moyens.


Une aura lumineuse l'enveloppe de nouveau. Il s'incline respectueusement.

"Si j'étais vous, comme je l'ai déjà dit, je me cacherais plusieurs siècles. Une ère de grands bouleversements s'ouvre, pour laquelle tout le monde d'où je viens existe. Ambre et le Chaos seront ravagés, quel que soit l'issue du combat..."

Alors qu'il était en train de se dématérialiser, l'inconnu semble soudainement se rappeler d'une chose et reprend un peu de substance pour te jeter, dans un lancer fort esthétique, un petit rectangle de carton, type carte de visite. Puis il disparaît définitivement.

Sur la carte, une série de lignes avec pour l'essentiel des caractères incompréhensibles. L'une d'entre elle attire cependant ton attention : c'est une suite de quatorze chiffres, écrits avec une calligraphie très droite.

Vu qu'il n'y a plus rien à faire ici.

Il part alors du lieu en utilisant l'Elysion, d'abords en direction de Ys, puis une idée lui vint en tête.
Il commence alors à parcourir les Ombres avec en tête l'idée de trouver Corwin.

Il te faut un certain temps pour "sortir" de l'apparente brume de chaleur qui déforme le décor. Alors seulement tu retrouves véritablement les Ombres telles que tu les connais.

Le mouvement vers Ys se déroule sans trop de difficulté, et tu retrouves la ville dans le même état que tu l'avais laissée : sous la pluie.

Après un repos rapide, ta nouvelle marche en Ombre démarre.
Très lentement.
Visiblement, il y a de grandes résistances autour de ta focalisation sur Corwin. L'Elysion elle-même, tout en répondant à tes appels, semble vouloir n'en faire qu'à sa tête, et tu es surpris de voir apparaître dans ton esprit des visages, des décors connus, sans grand intérêt, dans le but évident de te détourner de ton objectif.

A priori rien ne saurait m'en détourner, je continu froidement ma route.

Comme une toile qui cède soudain, la résistance se brise et le mouvement en Ombre se lance alors, ce qui te déstabilise d'ailleurs un moment tant l'effort que tu étais en train de fournir était grand.

Dans un tourbillon de décors, dans un réseau de rues et ruelles, tu progresses à bon rythme, concentré sur l'image de ton père.

Après une marche de près de deux heures, l'élan de ton mouvement en Ombre se ralentit puis cesse. Tu te retrouves sur une place pavée, où une pluie fine tombe doucement.
Juste en face de toi, une grille dorée, ouverte, mène à la devanture d'une sorte de petit palais style renaissance, avec de grandes colonnades blanches et des frises de marbre.
Quelques passants sur la place, mais le quartier semble globalement peu peuplé.

Je vais à la demeure et frappe à la porte.

Tu attends... en vain.

Personne ne te répond.

J'essaye d'ouvrir la porte.

Tu entres... dans un long couloir, peu éclairé, qui ne correspond pas du tout à l'aspect extérieur du bâtiment.
Le carrelage est en marbre noir, tandis que les murs ont un éclat étonnant, lié à la présence de nombreux tableaux ouvragés, de toutes les formes.

Non, pas des tableaux. Des miroirs.

Je traverse le couloir, quelque peu mal à l'aise par ce décors.

Tu es distrait dans ta marche lente par des sons étranges, comme des pas venant d'un hypothétique étage supérieur, et des murmures vagues et indistincts.

Tu perçois finalement un mouvement sur ta gauche. Un petit meuble en bois précieux, tout ce qu'il y a de plus immobile, est appuyé contre le mur.
Par contre, le miroir... euh non... le tableau... euh... enfin le truc bizarre qui se trouve encadré au dessus n'a pas cette qualité de stabilité.
En effet, dans le rectangle métallique torsadé qui, en partie, reflète encore ton image, une silhouette occupe une bonne partie de l'espace libre.

Le visage est fin, mais pâle et marqué. Il est encadré de longs cheveux blonds foncés mal ordonnés. Le regard, bleu, a une intensité préservée malgré une fatigue évidente. La partie visible du corps est recouvert d'un tissu sombre, qui laisse deviner des formes avenantes, indices visibles de la féminité du sujet, qui aurait été ardue à affirmer par le seul visage.
Les yeux se fixent sur toi et la personne entière s'anime, comme prise par surprise.

"Je... Tu ne me forceras à rien ! Va-t-en !"

Je m'approche avec lenteur, écartant les bras comme pour montrer une posture non agressive :

"Je ne vous veux aucun mal et n'attend rien de vous, je cherche simplement quelqu'un. Qui êtes vous ?"

Le ton est aussi doux que possible, le visage sincère.

La personne semble malheureusement dans un état pathologique assez grave. Succédant à sa terreur, elle éclate de rire puis commence à se tirer les cheveux. Ses bras blancs sont couverts de blessures.

La voix qu'elle prend est à mi-chemin entre la joie exaltée et les cris de douleur.

"Je ne suis plus rien ! Je ne suis plus rien ! Tout m'a été pris ! Laissez moi dans mon obscurité !"


Puis un éclair dément passe dans son regard, qui la fait s'immobiliser. Elle reprend, hallucinée.
"On me force à venir ici. Je ne veux pas..."

C'est alors que le petit meuble sous le miroir s'ouvre, révélant un espace presque entièrement vide, juste occupé par un petit objet plat de forme rectangulaire.
La femme prend un visage révulsé.
"Non ! Ne vous en servez surtout pas ! Vous ne pouvez rien pour moi ! Cela ne fera qu'attirer son attention sur vous !"


Elle disparaît alors brutalement, laissant tes yeux vagabonder sur ton reflet.

Je prend le petit objet pour l'observer.

Rien d'autre qu'une de ces cartes appelées Atouts.

Celle-ci représente, en pied, une femme en belle tenue de chasse bleu marine. Les longs cheveux blonds foncés, le regard brillant de force et d'intelligence, tu reconnais la personne du miroir sans grande peine, malgré son état pathétique. Il n'en est rien ici : parangon de jeunesse et de beauté éclatante, que tu devines malgré le style très daté de l'illustration.
Son visage bien ciselé ne t'est d'ailleurs pas totalement inconnu.

Derrière elle, un paysage forestier, et plusieurs cerfs.

La carte a un contact frais, et, si la matière semble être du parchemin ou du carton, sa rigidité semble être celle de l'ivoire.
Ton attention portée à l'objet rend son contact d'ailleurs beaucoup plus froid.

Visiblement je pourrais surement l'utiliser plus tard, mais pour l'heure ...
Il range l'atout sur lui et se remet en recherche de Corwin.