Episode 9 : Et maintenant, que vais-je faire ?

"Dans ce cas sais-tu ce qui va être entrepris pour stopper cette attaque ?"

Si j'ai bonne mémoire on peut emprunter la Marelle pour aller n'importe où en Ombre ?

Bien sûr, la Marelle permet d'aller où l'on veut.


Gérard hésite visiblement, mais finit par lâcher le morceau.

- C'est tout simple, tout est organisé dans l'hypothèse d'une attaque. L'état d'alerte sera maintenu jusqu'à éclaircissement de la situation, ce qui peut prendre du temps. En vérité, c'est Bénédict qui connaît l'intégralité du plan de défense, comme d'habitude.

Se faisant rassurant, il continue.

"Mais bon, pas de quoi s'inquiéter plus que de raison. C'est un mauvais moment à passer, mais nous sommes prêts".

Je salue Gérard et vais me coucher. Si ce n'est pas encore fait je refais les sorts que j'ai déjà utilisé.

Le lendemain matin, tu es réveillé par des cris venant de l'extérieur du château. Une inspection à la fenêtre te permet d'assister à un étonnant spectacle : apparemment, des dizaines de faucons, sûrement ceux de Julian, sont en train de faire la chasse à un nombre supérieur de corbeaux noirs. La grande bataille aérienne s'étend à tous le ciel d'Ambre, et des plumes noires pleuvent du ciel, se joignant aux précipitations qui n'ont toujours pas cessé.


Au niveau de la famille, ça ne va pas mieux : Random s'est enfermé dans son bureau avec la reine, sans que personne ne parvienne bien à te dire ce qu'il y fait réellement. Bénédict s'est rendu auprès de ses troupes, de même que Julian qui a rejoint Arden, et Gérard qui s'attelle à la défense côtière. L'état de guerre n'a toujours pas été officiellement déclaré (contre qui ?) mais il faudrait être aveugle pour ne pas remarquer qu'il y a un souci.

Même ta tante Flora, que tu croises au rez-de-chaussée, semble occupée à discuter avec les gardes du Palais, plutôt que ses traditionnelles espi... les servantes.

Je vais donc voir ma tante Flora.

"Bonjour ma tante, comment sont les nouvelles aujourd'hui ?"

Elle te porte une attention distraite, mais engage néanmoins la conversation, autant pour elle que pour toi.

- C'est grave, ça c'est sûr. Cela fait longtemps que l'on n'a pas préparé le château à une attaque directe, et mis la ville en état de défense... depuis la bataille de la Vallée du Garnath, oui, cela fait dix ans ! Et encore, ce n'était pas à ce point là !

Et personne ne me dit rien, sinon qu'il faut que toute la garde du Palais soit en état d'alerte... Bénédict aurait pu me laisser plus d'instructions...

Elle se rend soudain compte de ta présence effective.

"Oh, mais tu pourrais prendre ma place en cas de bataille ? J'avoue que je n'ai jamais eu la fibre guerrière...

Voyant qu'il va falloir sûrement être convaincante, elle sort un sourire à faire fondre un glacier.

"D'autant que tu es un fils de Bleys. Cela ne peut que bien se passer".

Je cherche un échappatoire...

"Eh bien je ne suis pas convaincu qu'en ce moment un fils de Bleys soit le plus souhaité ma tante. Et puis moi et le sang ça fait pas mal..."

Flora se désintéresse alors totalement de toi en poussant un soupir. Tu te demandes qu'est-ce qu'elle pourrait bien commander dans sa longue robe verte, et tu l'imagines bien mal en valkyrie ambrienne, mais bon, sait-on jamais ?

M'enfin, résultat, tu n'es pas plus avancé. Il y a toujours cette pluie de plumes noires au dehors, et rien qui ne vient vraiment donner une quelconque clarté au jour...

Alors que tu vadrouilles sans but, avec la matinée qui s'avance, tu perçois un contact d'Atout.

Je prends l'appel.

Plusieurs secondes passent, un grand vide.

Puis finalement le contact s'établit. Tu reconnais Ida de Coris, toujours dans une tenue aux couleurs tendant vers le mauve, avec beaucoup de recherche et d'étoffes inutiles. Le paysage derrière elle est tout ce qu'il y a de plus bucolique et verdoyant - même si le ciel a des coloris étranges.


"J'ai essayé de vous joindre à plusieurs reprises, mais sans succès jusqu'à cette fois, dit-elle comme pour s'excuser.
J'espère que tout va bien en Ambre... mais j'avoue que quelque chose me fait dire que ce n'est pas le cas..."

Je la salue devant un pan de couloir.

"Bonjour damoiselle. Il semble que nous ayons quelques problèmes de nuisibles ces derniers temps mais les personnes informées garantissent que tout va rentrer dans l'ordre d'ici peu.

Et chez vous qu'en est-il ? Il y avait de la friture sur la ligne la dernière fois..."

Elle sourit, mais cache mal (ou fait mine de mal cacher, tu commences à deviner le caractère de la môme) un léger trouble.

- En effet... écoutez, je ne sais trop quoi vous dire... comprenez bien que cela me dépasse largement moi-même, mais vous serait-il possible de passer ? Il va sans dire que je vous garantis votre sécurité, au nom de mon grand-père..."


Et elle te tend la main, légèrement tremblante.

Sachant que je voulais y aller de toute manière, que ça a des chances d'être plus amusant qu'Ambre et que l'état d'urgence n'a pas été officiellement décrété je vérifie que j'ai toujours son bouquin sur moi et je réponds favorablement à son invitation.

Comme le laissait supposer le décor lors du contact d'Atout, il faut vraiment le savoir pour pouvoir dire que tu te trouves dans le Chaos.

A perte de vue, une belle prairie d'herbes grasses, avec de nombreux bosquets d'arbres, de bois clairs. A ta droite, à quelques kilomètres, des collines sont visibles. De-ci de-là, des constructions tout ce qu'il y a de plus "ordonnées" : tours, grandes fermes de style normand.
Bref, hors du ciel aux nuances tournant entre le rouge vif et le orange, tu te croirais dans une quelconque ombre rurale proche d'Ambre.

Ida a presque l'air incongrue au milieu de ce décor (vus ses vêtements qui demeurent des atours princiers des plus recherchés). Plus étonnant, elle est seule, sans la présence de son ange gardienne qui ne l'avait pour ainsi dire jamais lâchée pendant tout son séjour en Ambre.
La jeune fille sourit aimablement.

"D'aucuns diraient que vous êtes un peu trop confiant pour votre bien... C'est flatteur, notez bien..."

- Votre venue sans discussion facilite en tout cas les choses...

Elle se retourne vers le décor et lance sur un ton plus déclamatoire.

"J'oubliais de vous souhaiter la bienvenue dans les Passes de Coris. Désolée de vous y avoir entraîné en vous forçant un peu la main... mais au-delà de mon seul bon plaisir, c'est quelque chose que l'on m'avait demandé..."

J'attends. Pour tout dire je m'attends soit à mon père soit à l'inconnu que j'ai déjà croisé tout au début.

Sur un mouvement de main, Ida semble écarter le paysage, qui s'ouvre pour laisser apparaître un décor semblable, mais légèrement différent : un sentier envahi par les herbes semble conduire vers une basse colline où se dresse une petite tour au sommet arrondi, à environ cinq cents mètres.


- C'est la Tour des Etoiles, dit doucement Ida. C'est là que réside celle qui m'a demandé de vous contacter".

"Eh bien allons-y, que je ne sois pas venu jusqu'ici pour rien."

Et je m'engage sur le sentier d'un air déterminé.

Le paysage ondule étrangement à mesure que tu avances - en tout cas, selon des règles physiques différentes à celle d'un déplacement ordinaire.

Ida marche à ta hauteur sans mot dire. Il est évident qu'elle est concentrée sur quelque chose. Tu devines qu'il s'agit à l'évidence du Logrus, en tout cas cela correspond bien à la description qui t'en a été faite, et à l'accumulation d'énergie que tu ressens.

La tour dite "de l'Etoile" est en bien plus mauvais état que tu ne l'imaginais vue de loin. Les murs sont envahis de ronces et en partie effondrés. Il n'y a même plus de porte, juste une ouverture élargie de nombreuses brèches.
En dépit de ce cadre peu engageant, Ida s'avance sans hésitation et fait un geste à ton intention pour la suivre.
L'intérieur est sombre, sans ameublement. Il n'y a aucun étage, et les murs branlants s'élèvent jusqu'au dôme de la toiture, lequel semble vitré et laisse passer une lueur bleutée.

Le sol est recouvert d'un grand tapis à la géométrie complexe, fait de courbes et de lignes droites s'enchevêtrant sans cesse. Dans ce qui est le centre approximatif de cette broderie se tient assise une silhouette humaine, que l'obscurité te rend difficile à détailler. L'atmosphère qui en ressort est davantage pitoyable qu'impressionnante.
Ida n'avance plus, en proie visiblement à une certaine appréhension.

Je m'avance légèrement vers la silhouette et la salue bien bas :

"Bonjour, auriez-vous l'amabilité de me dire quel hôte hante ces lieux ?"

Tu es encore à bonne distance de la silhouette. La personne, accroupie, semble être une femme aux cheveux frisés hirsutes. A cause de l'obscurité, mais aussi par le fait que ses cheveux et ses voiles sombres la couvrent en grande partie, tu ne parviens pas à deviner autre chose que la lueur lointaine de ses yeux.

A peine t'es-tu redressé qu'une voix s'élève. Grave, elle semble faible et maladive, mais porte en elle un écho qui résonne au fond de toi et te fait froid dans le dos.


"Fils d'Ambre... La tradition t'autorise une question avant toute autre chose. Choisis la bien..."

Je réfléchis, penchant légèrement la tête sur le côté.

Ton interlocutrice - c'est à coup sûr une femme, pas forcément particulièrement âgée (du moins quant à son apparence physique), mais qui s'est sacrément laissée aller - reste parfaitement immobile dans la demi-obscurité.

Ida est toujours là (du moins, tu devines sa présence), mais elle ne s'est pas approchée.